
Réponse à la chronique de Jean-Claude Guillebaud : L’Europe est -vraiment !- à l’agonie
Réponse à la chronique de Jean-Claude Guillebaud parue dans le Nouvel Observateur du 2 mai 2013 n°2530
Dans sa chronique « L’Europe est -vraiment !- à l’agonie » (n° 2530 du 2 mai), Jean-Claude Guillebaud salue notre « foi inébranlable » dans l’Europe tout en la qualifiant de « pieusement dénégatoire ». Cohn-Bendit, Goulard, Guetta, improbable trinité ? La veine religieuse ne manque pas de sel mais si J-C Guillebaud y tient, allons-y.
Oui, nous croyons que, dans le monde tel qu’il est, les Européens partagent un art de vivre, des valeurs et des intérêts qu’ils gagnent à défendre ensemble. Sans unité, c’est l’insignifiance qui nous guette. Mais s’il fallait une référence religieuse, ce serait plutôt Luther : de même qu’il dénonçait les dérives de l’Eglise catholique et l’hypocrisie d’un clergé corrompu, nous réprouvons le dévoiement actuel de l’Europe. Au Parlement européen, au fil de nos chroniques, articles, interviews, livres, nous martelons inlassablement que l’ersatz intergouvernemental qu’on nous sert, sans saveur ni vertu, n’a rien à voir avec l’union des hommes que visaient les pères fondateurs. Nous nous battons pour que l’Europe devienne une démocratie à part entière. Mais cela ne tombera pas… du Ciel. D’où, chers frères lecteurs de l’Obs, notre invitation à un petit examen de conscience.
Au-delà de la rituelle – et facile – incrimination des « Anglo-saxons », que veut la France ? Ces dernières années, nous n’avons pas vu grand monde, dans ce pays, défendre en actes, « au front » (à Bruxelles, Berlin, Londres, etc), et non pas en paroles, « à l’arrière », une vision plus solidaire, moins intergouvernementale de l’Union. Bien des Français qui pleurent la violence des rapports de force, les ont encouragés par leur souverainisme béat : la France n’a pas à se soumettre aux institutions. Vraiment ? Et nous voilà bien marris de la faiblesse du Parlement élu au suffrage universel ou de la Commission, l’arbitre neutre.
Lors de la négociation du budget, notre pays aurait pu, dans l’intérêt commun, appeler à une politique d’investissement public et privé indispensable à la sortie de crise. Mais à Paris, on pleure toujours l’absence de « politique industrielle » en privilégiant … l’agriculture. Et le marché nous gêne moins quand nous le faisons chez les autres que quand il oblige à admettre la concurrence. La semaine où le joaillier italien Pomellato est acheté par un groupe français, Bercy bloque la vente de Dailymotion aux Américains… Depuis des années, la France, pétrie de contradictions, manque de vision européenne.
L’Europe se meurt, oui peut-être mais est-elle déjà morte ? Cela ne dépend que de nous. Nous aurons l’Europe que nous méritons.
Dany Cohn-Bendit, Sylvie Goulard, Bernard Guetta
Poster un commentaire